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Plantations de vignes : les vignerons contre la libéralisation

Les représentants des appellations viticoles françaises alertent sur la possible dérégulation des plantations de vignes, en cours de négociation dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune (Pac). Elle pourrait déboucher sur une surproduction de vin.

Les vignerons remontent au front pour protéger le système de régulation des plantations de vignes. Après avoir lutté, en 2009, contre la dérégulation de leur secteur, arrachant un répit de quelques années, ils s’inquiètent de la réforme en cours de la Politique agricole commune (Pac), qui prévoit de nouveau son abolition. Entretemps, les crises ayant frappé la filière du lait, en 2015 après la levée des quotas, et celle du sucre, en 2017, n’ont fait que renforcer la volonté du monde viticole de ne pas succomber aux sirènes de la libéralisation. Le vin est en effet le dernier bastion en Europe à bénéficier d’un dispositif de contrôle de son potentiel de production.

1 % DE NOUVELLES CRÉATIONS CHAQUE ANNÉE

Depuis un demi-siècle, la vigne française a grandi en fonction des besoins du marché, pour éviter la surproduction. Les autorisations de nouvelles plantations étaient délivrées au compte-goutte. Lors de la précédente révision de la Pac, en 2008, l’Union européenne avait tenté de faciliter l’accroissement des surfaces cultivées, mais la France avait tenu bon, obtenant que les droits de plantation perdurent jusqu’à 2030. Avec un compromis : il est désormais possible de créer des vignes, à hauteur de 1 % par an de la superficie du vignoble (soit 8 000 hectares environ). Cette dernière décennie, le vignoble français a ainsi gagné, chaque année, 6 000 hectares en moyenne, dont la moitié à Cognac – une appellation très dynamique qui connaît une explosion de ses exportations.

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Sans limitations, un propriétaire de parcelle agricole pourra planter une vigne.

Si la filière s’inquiète 10 ans avant l’échéance, c’est que les négociations sur la future réforme de la Pac ont déjà débuté. L’Allemagne, à la tête du Conseil de l’Union européenne jusqu’au 31 décembre, souhaite les boucler durant son mandat. Dans ce contexte, la Fédération européenne des vins d’origine (EFOW), qui réunit les appellations viticoles espagnoles, françaises, italiennes et portugaises, a demandé le maintien de cette régulation. Les allemandes, non-membres de l’EFOW, aussi. Si les vignobles français assurent être soutenus par Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, ils n’ont pas encore remporté la bataille. Ils redoutent d’être sacrifiés lors des pourparlers, au profit de filières agricoles plus importantes. D’autant qu’il faut convaincre les pays sans tradition viticole de l’intérêt de cet encadrement. « On ne coûte pas cher à l’Europe, mais on a besoin d’outils pour conserver notre niveau économique et ne pas scier la branche sur laquelle on est assis », résume Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB).

LE DANGER : UNE BAISSE DE QUALITÉ

La principale crainte des viticulteurs est la surproduction, avec des industriels plantant des milliers d’hectares de vignes. Cela mettrait en péril l’équilibre du secteur et de ses 85 000 exploitations, d’une taille moyenne de 10 hectares. « Nous avons 20 000 hectares potentiels en Bourgogne et en octroyons 100 à 120 par an, précise Thiébault Huber. Vous imaginez l’impact d’une dérégulation ? Elle favorisera les gros et tirera la qualité vers le bas ! » Le vignoble de Cognac (78 000 hectares) pourrait, lui, voir sa superficie multipliée par huit. « Sans limitations, on aurait un afflux de vins dans le commerce », alerte Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne. Or, « il est essentiel d’avoir des vins de qualité et un débouché pour chaque bouteille produite ».

Morgan Bourven