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Immobilier défiscalisé : la Cour de Cassation condamne la méthode des défiscalisateurs

constructionDe nombreux particuliers avaient investi dans des programmes d’immobilier défiscalisé à Carcassonne en 2005. Mécontents de leur placement, ils avaient engagé des poursuites en justice. Les magistrats de la Cour de cassation ont retenu le dol à l’encontre du vendeur, le groupe Omnium.

La Cour de cassation a rendu le 7 avril (1) un arrêt d’une grande importance pour les centaines de particuliers engagés dans des actions en justice, liées à de désastreux placements dans de l’investissement immobilier défiscalisé.

Le fond du dossier est un cas d’espèce. En mars 2005, un couple achète au groupe Omnium un T2 situé à Carcassonne (lire notre enquête sur l’investissement locatif à Carcassonne). Domiciliés à des centaines de kilomètres, ils se font berner. L’appartement est surévalué, tout comme le loyer raisonnablement exigible. La demande locative est faible, contrairement à ce que soutient Omnium. Pour ne rien arranger, début 2005, Carcassonne foisonne de chantiers. Les défiscalisateurs toulousains (Akerys, Omnium, Carrère/Gotham) sont en train de saturer l’agglomération, avec des conséquences catastrophiques pour les investisseurs, déjà soulignées par Que Choisir.

Invoquant le dol, les particuliers avaient gagné devant la cour d’appel de Montpellier. La Cour de cassation a confirmé la condamnation d’Omnium. Les termes employés par les magistrats peuvent rendre un peu d’espoir aux victimes, qui désespèrent souvent de faire valoir leurs droits.

Premier constat de la Cour, « l’état de saturation du marché immobilier carcassonnais était déjà observable » en mars 2005. C’est une nouveauté. Jusqu’à présent, les défiscalisateurs ont presque toujours réussi à faire passer en justice l’idée que la saturation était imprévisible, que la crise de 2008 a bouleversé la donne, etc.

Peut-on transposer le cas de Carcassonne à d’autres villes pour invoquer d’autres cas de saturation évidente ? Sous réserve de quelques analyses, c’est possible. La base sit@del, qui recense tous les permis de construire délivrés en France, ville par ville, permet de repérer les périodes d’emballement du marché immobilier. En croisant ses données avec la démographie des communes, que l’Insee analyse finement, on peut dresser des parallèles entre Carcassonne et des agglomérations comparables.

La Cour considère par ailleurs que le bien a « été vendu à un prix qui dépassait de 30 à 50 % sa valeur réelle ». Cette notion de « valeur réelle » est importante. Souvent, les avocats des défiscalisateurs font valoir que les prix sont libres, qu’ils varient au gré de la conjoncture et que rien ne permet de dire qu’un appartement a été surpayé. Non, dit la Cour. Il y a une valeur intrinsèque des biens immobiliers.

Omnium est devenu Stellium

Omnium savait tout cela et a menti (le groupe rebaptisé Stellium a d’ailleurs fait amende honorable par la suite, corrigeant en partie ses excès). La « forte demande locative » et  le « placement sûr et rentable à court terme » de la plaquette commerciale étaient des « affirmations mensongères », qui allaient « bien au-delà de la simple exagération publicitaire » selon la Cour de cassation.

Les investisseurs ont-ils manqué de la plus élémentaire prudence ? Non, répond enfin la Cour. Il y a eu dol, et « l’erreur provoquée par un dol est toujours excusable ». Le contrat de vente est donc annulé. Sauf revirement de jurisprudence, cet arrêt devrait faire date. Le groupe Omnium était un précurseur, ses méthodes de vente ont été souvent copiées. C’est tout un système que la Cour de cassation remet potentiellement en cause.

(1) Cass. Civ. 3, 7 avril 2016, 14-24164.

Erwan Seznec